Massacre à la tronçonneuse


Le film s'ouvre sur des tombes qu'on profane. L'auteur prend des photos, comme des trophées. Des tombes profanées, sera érigée une sculpture grotesque. Un tribu pour quelle divinité maléfique ?
Le film se clôt sur un gros caprice, celui de Leatherface qui voit s'échapper la seule survivante du massacre.
Entre les deux, une mise en abîme de l'humanité telle qu'on n'en a jamais vu sur un écran.
On ne sort pas indemne de Massacre à la tronçonneuse. On en sort comme du plus effroyable des cauchemars. Car il n'est pas d'expérience sensorielle fictive plus traumatisante et plus viscerale que celle provoquée par le film de Tobe Hooper. L'horreur et la folie qui y sont dépeintes sont tout autant sonores et épidermiques que visuelles. A cela, il faut y ajouter l'odeur nauséeuse et nauséabonde dégagée ainsi que le dégoût engendré par les images du film. 
Texas Chainsaw Massacre, avant tout, parle d'apocalypse. Une apocalypse du corps et du décor. Des corps soumis aux pires dégradations, aux pires martyrs, aux pires dénis : pendu vivant à un crochet de boucher (le clou du film), découpé comme de la viande de boucherie, abattu à coups de massue. Des corps jamais tout à fait morts, comme s'il fallait prolonger leur calvaire : un corps qui ressuscite dans un dernier sursaut, pour s'évader d'un frigo, un corps qui s'agite dans un dernier tremblement, un corps en décomposition qui ne veut pas mourir. Des décors souillés, gagnés par le pourrissement, ruinés ; un décorum tout entier dédié au macabre, à Thanatos.
Une apocalypse des esprits aussi. Dégénérés et déliquescents. Le visage d'une certaine Amérique.

Evil dead 2


Ou comment faire de Bruce Campbell, le temps d'un film inouï, un véritable cartoon vivant, aux prises avec un démon-caméra, avec une main (la sienne) qui lui joue des tours, lui fait un doigt, qui prend la tangente, avec son reflet dans un miroir, avec le mobilier d'une cabane, avec la locataire de sa cave, en l'occurence une grosse mémère toute pourrie, avec un démon arboricole, avec un vortex temporel qui le conduira à devenir un héros médiéval.
Ou comment Raimi réinvente le cinéma en réinventant le soleil, le ciel, les nuages, la nuit, la lune, le brouillard, les couleurs, les arbres, les cabanes, les ponts, les routes, les corps, les lampes, les miroirs, en animant l'inanimé, en redonnant vie aux cadavres sans tête, aux cerfs empaillés, en rendant autonome une tête décapitée ou une main amputée.
Ou comment Raimi, en offrant au spectateur un objet filmique (et volant) non identifié, entendait alors être tout puissant.

Le jour de Bub


Romero, on le sait, aime ses zombies. Il les chouchoute. Davantage que les vivants qui, ici, ont trouvé comme dernier refuge un silo à missiles !
Le premier zombie de Day of the dead n'invitait pourtant guère à la sympathie. Filmé en contre-plongée, il est l'avant-garde d'une armée de morts-vivants répondant à l'appel d'une équipe d'exploration. Les morts-vivants sont partout. Les survivants nulle part. Les caïmans sont dans la ville, en paix avec les cadavres ambulants. 
Bub, le zombie "domestiqué" de Day of the dead, est quant à lui l'âme et la raison d'être du film de Romero. C'est un beau personnage de cinéma. Car Bub a une lueur magnifique dans le regard, celle d'un enfant qui s'éveille à la vie. Bub se rappelle qu'il fut autrefois autre chose qu'un monstre maladroit et abruti. Quelqu'un qui savait lire, qui aimait la musique, qui savait saluer. Mais aussi qui savait manipuler une arme, et s'en servir.



Et Bub, dans la plus belle scène du film, de tendre au cadavre de son ancien maître la chaîne dont il vient de se libérer, avant de se mettre à exprimer la détresse et la tristesse. Puis de se rappeler la colère et le désir de vengeance. Bub vient de concevoir la mort. Et donc la vie.