Des trains et Apu





Le cinéma est né avec un train. Filmer des trains pour mieux filmer les hommes, pour filmer avec mélancolie la conquète de l’Ouest, pour filmer des ébats sexuels. Autant de cinéastes, autant de mobiles.
Dans le film de Satyajit Ray, la vie d’Apu se conjugue au rythme des wagons et des locomotives. Un dragon en fer qui crache sa fumée noire au milieu d’une campagne et d’une végégation immaculée, fantasmagorique et mythologique, à peine aperçu dans le premier opus La complainte du sentier pour évoquer l’enfance rêveuse et aventureuse de son héros. Un moyen de locomotion pour le conduire à la ville et à ses études, dans L’invaincu, pour mieux évoquer son adolescence, son avidité de connaissances du monde moderne. Enfin, un moyen pour en finir dans le dernier acte Le monde d’Apu, pour mieux filmer la cruauté et les désillusions de l’âge adulte. Un train qu'on rate exprès pour faire plaisir, un train qu’on prend trop tard, un train qu’on préfère frôler au lieu de s’y abandonner. Frôler la tête baissée, l’âme dévastée.