Dans l'oeil d'Oshii



Certaines âmes ont trop de feu et de magie à rester prisonnière d’un corps triste et retenu. L’âme, pour ici bas nourrir sa lumière, retrouver un peu de son invincibilité et de sa grâce, a besoin d’un corps fétichisé et ludique. Nous dit Oshii, via Avalon et la dame en gris.

Inferno



D’avoir avec Inferno offert au 7ème art tout à la fois un opéra et un cauchemar, Argento offrait au spectateur un voyage hallucinogène à n’en croire ni ses oreilles ni ses yeux, ni son coeur ni son cerveau. D’ordinaire rompus à moins d’ampleurs et à moins de couleurs, à moins de convulsions et à moins de contradictions, à moins de secousses et à moins de paniques. D’avoir voulu célèbrer ses saillies sanglantes en les associant cette fois au choeur du Nabucco de Verdi (et inversement), d’avoir arrangé un rendez-vous entre la lune et le « Va, pensièro » dudit compositeur, de prendre un malin plaisir à plonger ses victimes et ses héroines, et à les faire évoluer, dans des mondes engloutis ou labyrinthiques, de les en soustraire, le sein qui pointe et qui palpite, de donner au vent et à la pluie le pouvoir d’incarner le déchaînement des forces souterraines (qui ici à chaque instant ourdissent de sourds complots contre le monde des vivants), le maestro créait une sensationnelle alchimie entre l’exaltation de la beauté et l’irruption de l’effroi. D’avoir ainsi élevé le regard et l’ouïe tout en excitant l’épiderme, Argento faisait sienne la poésie de Baudelaire qui veut que la fleur est parfois la promise du mal, que la rose est faite aussi de son épine, que le tombeau le plus beau appartient aussi au ver qui ronge son locataire.

Avalon



Ou l'histoire d'un regard en mélancolie qui gagne une lumière et des ailes fabuleuses, après avoir chassé des fantômes, retrouvé et capturé l'Ombre, et ainsi fait disparaître sa couronne de l'oubli.

Fais-moi entrer.

Dellamorte dellamore di Mario Bava



La belle ambition du cinéma de Bava ? Saisir la musique et l’étreinte de la nuit et du temps. Grâce à des trompe-l’oreille (le vent qui fait croire aux loups) ou des trompe-l’oeil (le brouillard qui fait croire à l’esprit des morts, et qui, semblant s’échapper de la terre, particulièrement des tombes et tombeaux, vient s’emparer des vivants). Du Masque du démon aux Trois visages de la peur en passant par Opération peur, Bava n’a cessé en réalité de décliner une fascinante jalousie. Entre trois divinités grecques, Eros, Himeros et Thanatos, personnifications de l’amour, du désir et de la mort, pour l’éternité condamnés à s’envier dans le monde et l’oeuvre de Bava. Le goût du cinéaste transalpin à filmer des ruines et des demeures depuis longtemps abandonnées, promises à l’enlacement des lianes et des racines ou aux toiles d’araignées géantes, vestiges d’une époque révolue faite de splendeur mais aussi d’épouvante, rejoint celui d’y voir évoluer des jolies donzelles en nuisettes, pulpeuses ou fragiles à souhait, offertes à l’assaut du vampire, prêtes à donner leur sang et leur âme. Cette obsession, celle aussi des mannequins et des poupées, des statues et des gargouilles, des tableaux et des miroirs, ou encore des cercueils béants, rejoint la nôtre d’y voir associés des rêves d’éternité figés. D’y voir ces rêves parfois échoués ou profanés, d’y voir souvent des amours et des haines se prolonger post-mortem, d’y voir enfin d’immémoriales légendes et malédictions, soit des désirs et des peurs remontant à la nuit des temps, immortalisées.

Ascenseur pour les étoiles



Batty, après un accès de colère l’ayant amené à retirer la vision de son créateur, s’offre dans un ascenseur un trip intersidéral. De voir en effet les étoiles défiler au-dessus de sa tête, on eut dit que le Nexus six se projetait dans un vaisseau spatial, le temps de retrouver sa poésie dans un flashback subliminal. Avant de redescendre sur terre et d’afficher une moue boudeuse. Les androïdes rêvent bien au-delà des moutons électriques du titre de Philip K. Dick.

Je veux plus de vie, père.

A la recherche du temps perdu






Les êtres étoilés que nous nommons archanges
La bercent dans leurs bras au milieu des louanges,
Et, parmi les clartés, les lyres, les chansons,
D’en haut elle sourit à nous qui gémissons.
Elle sourit, et dit aux anges sous leurs voiles :
Est-ce qu’il est permis de cueillir des étoiles ?


Victor Hugo, Les contemplations.

A la recherche de Balthazar





A rendre fou tout Nietzschéen en puissance.

Underworld U.S.A.



837 pages plus tard. 
Après avoir tué l’Histoire, John le K. et son frangin Robert, ou encore Martin "Lucifer" King, j’ai mis fin au règne de John Edgar Big Brother Hoover. J’ai arnaqué Dracula, pour le compte des Parrains, je les ai fait marron aussi. J’ai libéré des esclaves ainsi que des femmes et des enfants promis aux crocos.  J’ai retrouvé Reggie qui m’a offert une émeraude. J’ai été tué dans un rayon de lune par des hommes ailés. Avec mon assentiment. J’ai été tué en voyant des rayons fabuleux. Je me suis ainsi offert la lune, j'y ai dansé avec les indiens Muzo. Je les ai vengé. J’ai été tué après avoir gagné le droit de l’être. J’ai été tué par des gens qui m’ont dit des choses étonnantes. J’ai dansé avec des flammes vertes. J’ai vu des diables et des anges. J'ai fait l'amour à Mary Beth et à une Déesse. J’ai aimé cette Déesse avant d’avoir gagné le droit de la rencontrer et de lui parler. Je lui ai laissé un souvenir. 
J’ai vécu une part de l’Histoire tordue de l’Amérique et vécu aussi en Zone zombie.
J'ai vécu un rêve indélébile.

Lady Yakuza



Imaginez. Une bakuto : une joueuse itinérante. Un fantasme, auprès de qui il serait beau de mourir. Un katana à la main, le kimono fendu et ensanglanté, un tigre rugissant dans le dos. Après avoir pu partager sa quête initiatique. Après avoir pu admirer son courage de lionne et sa grâce de gazelle, avoir pu contempler ses tragiques pivoines rouges qui ondulent sur son épaule.
Imaginez encore. Cheveux en liberté, la Pivoine Rouge parée d’un magnifique kimono noir et blanc, un tantô sanguignolant dans une main et un révolver fumant dans l’autre, qui vient de décimer un clan entier. Avant de régler son compte au chef dudit clan, le visage pur d’Oryu zébré d’un éclair. Un éclair signé Kato Tai. Aussi emblématique et saisissant que le plan de Seijun Suzuki qui, dans La vie d’un tatoué, montrait le kimono de son héros fendu par un sabre, dévoilant son tatouage dorsal représentant un tigre blanc.
Imaginez enfin. Après un deuil, trois regards qui, avec classe, décident d’affronter seuls une horde de yakuzas sans honneur. Pour sceller leur engagement, une chanson, l'hymne à Oryu, une élégie en vérité. Puis une barque, qui les conduit nonchalamment dans la nuit, et des flocons qui commencent à tomber sur les trois personnages, debouts. A l’issue d'un combat enragé, dans un quartier d’Osaka sous la neige, des dixaines de yakuzas en kimonos noirs, têtes inclinées et lanternes à la main, forment une haie d’honneur aux trois personnages en question : la légendaire Pivoine rouge, le  fantasque chef de clan Kumatora et le sans clan Kitahashi. Soit un très beau chant du cygne, signé Buichi Saito, l’admirable réalisateur du quatrième volet des Baby Cart.
Grâce à HK vidéo, éditant les huit films de la saga dans un bel écrin, il est désormais aisé de pouvoir arrêter d’imaginer.

A la recherche de rayons fabuleux



Montre-moi de quoi tu es fait.

A la question de savoir de quels rêves et de quelles visions, de quelles flammes et de quelles douleurs seront faits les androïdes de demain, Blade Runner répond aussi que les hommes n’en seront alors plus doués, ne seront plus que des zombies incapables de sur-vivre et d’hurler à la mort, de voir et d’éprouver le désir de voir des rayons. Il y a un peu de moi en vous : JF Sebastian est l’exception qui confirme cette noire vérité. Car il est le dernier des hommes, ses automates maladroits ont plus à dire que les pantins désarticulés et écervelés qui déambulent dans les rues saturées d’ondes contraires et de rayons négatifs. Où est-ce que tu vas ? Blade Runner nous répond nulle part. Désormais, seules des répliques visionnaires et parricides se révèlent capables de rechercher et de reconnaître des rayons fabuleux...

A la recherche de Catherine Spaak



Sur le tournage du Chat à neuf queues.

Mémoires de geishas



Quelle est la beauté et la vérité du cinéma de Kenji Mizoguchi ? Donner à la lumière de ses films la grâce d’éclairer les âmes des jeunes filles, avant, pendant et après leurs désillusions. Donner aux ombres (autrement dit des faiblesses, en l’occurence celles des hommes) le pouvoir d’éroder leurs rêves et leurs sourires. Donner aux cerisiers et au son du koto l’ivresse de les consoler. (Et celle de nous languir.) Donner à ses mouvements de caméra la faveur de figurer le cours d’une rivière. Qui lui-même figure le cours d’une âme, de ses mélancolies à ses ruines. Jusqu’à son estuaire. Jusqu'au Grand Océan.

A la recherche de l'Eve future




Où va aller la nouvelle née ?





Dans le secret azur de ses cieux, j'ai vertige à voir de précieux mirages, et l'espoir de naître et d'une larme et d'un nuage...