Coulez mes larmes, dit John Ford...



Ford excellait à filmer des cavaliers et des paysages, mais le cinéaste se révélait encore davantage à faire parler une tombe, à filmer des personnages causant à des sépultures. Chez Ford, les vivants continuent de parler aux morts et les morts continuent de conseiller et supporter les vivants. Impossible d’oublier John Wayne parlant à sa femme défunte dans La charge héroïque. Et Ford de nous faire croire que celle-ci l’écoute pour lui prodiguer les mêmes avis que du temps de son vivant. Les mêmes coups de pied au cul aussi.
Voir aussi, dans La conquête de l’ouest, l’aîné des Prescott se recueillant sur la tombe de sa mère avant de s’asseoir sur le perron de la maison familiale. L’espace et le temps d’une image magnifique, un fondu enchaîné le fait reposer contre la pierre tombale de sa mère. Chez Ford, les fondus enchaînés sont des espaces poétiques et mélancoliques destinés à donner à la séquence précédente sa touche la plus éloquente.
Monument Valley en est témoin, les paysages chéris par Ford allaient jusqu’à évoquer des pierres tombales, et Ford, en filmant ses décors fétiches, filmait en réalité d’immenses cimetières, imperméables au temps qui passe. Les westerns de Ford, les plus imposants, ressemblent à des enterrements de 1ère classe et à de flamboyants mausolées. L’enterrement d’une vie de chevauchées fantastiques, de quêtes élégiaques et épiques. 
La conquête de l’ouest selon John Ford passait forcément par les cimetières, théatre de ses plus belles pauses et exceptionnellement de ses plus grandes frayeurs (voir l'apparition du chef indien Scar dans La prisonnière du désert).

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