Avis à tous, toutes, les candidat(e) s

La moitié d'une genuflexion, c'est la moitié d'une pipe.


Les oiseaux



Des inséparables, main dans la main, échappant à un monde à dégueuler des corbeaux, à produire des vautours et des canaris. C'est con et abject un corbeau qui dégueule son envie. C'est tout aussi insignifiant un serin qui piaffe, qui piaille dans sa cage dorée quand il croit qu'il fait jour, et qui la ferme quand il croit qu'il fait nuit, qui défend un territoire, sa vérité, de 50 cm carré. C'est répugnant un charognard (ou une compagne de charognard) qui ne respecte aucun territoire, aucune vérité. En revanche, c'est beau et poignant des inséparables plus forts que la mort.

Ou Grégory de Gilles Marchand.

Le rouge et le noir





On dirait que la matière, par l'électricité, essaye d'avoir une extase : Ernest Hello. Ou un vertige total, nous dit David Lynch dans ce retour sublime à Twin Peaks.

Ce qu'il faut d'électricité, autrement dit d'amour et de haine (pas seulement de la matière), pour révéler et oublier, pour finir en fumée et retourner en graine cosmique, pour gagner des jackpots à répétition (hello oh oh...) et s'envoler en flamme intemporelle.
Ce qu'il faut d'énergie, de beauté atomique et de folie quantique, pour créer une âme couronnée de laurier, victorieuse et immortelle.
Aussi, le big bang qui crée l'univers si mystérieux et onirique, si attachant et alternatif, si noir et si rouge, de Twin Peaks, est le début de l'ère nucléaire, autrement dit l'aberration électrique qui conduit à l'aberration atomique, autrement dit JUDY. Qui voit la conception et l'arrivée de l'esprit maléfique dénommé BOB. Et Laura de naître telle une étoile, telle une note de musique, via un deus ex-machina, puis, par un baiser et un tuba céleste, envoyée sur Terre, sur le continent nord-américain, pour rencontrer BOB. Et l'agent Dale Cooper.


Morale de dragon





Tragédie de sang et de cendres, d'une folie pure et d'une beauté inouïe, orgie d'émotions contraires et apocalyptiques (via Daenerys Targaryen Née du typhon Mère des dragons qui conservera notre loyal attachement, via l'ex-aveugle et sans visage Arya Stark, fantomatique témoin de la Mort), le quasi-final de Game of thrones est une éclipse totale qui détruit le soleil des Hommes, et détruit toutes les lignes, toutes les défenses, convoque les fantômes des plus grands, Shakespeare, Eschyle et Homère, ne palit pas devant Antoine et Cleopatre ou Jules CésarLes Sept contre Thebes ou L'Orestie, L'Iliade, invite à un vertige depuis longtemps perdu.

Vous êtes un dragon, agissez comme un dragon !
Dracarys...

Pas de pitié pour les cloches et les petits joueurs. Pas de pitié pour un trône de fer dénué de sens, bientôt fondu et remplacé par un fauteuil en bois à roulettes. Les Cloches donc est un chef d'oeuvre absolu, déjà honni et maudit par la foule (accrochée à ses cloches comme à ses escroqueries, oublieuse de ses anciens vertiges, de fureurs indicibles, de lances avides de sang et d'âmes en feu), qui n'a pas accès à sa vérité et à sa pureté hellénique, à sa puissance et à sa folie shakespearienne. Beaucoup, les cloches, prendront l'épisode pour un spectacle pyrotechnique vain, les mêmes se seraient reconnus dans une victoire des femmes ou des hommes de l'ombre, dans le calcul et le proxénétisme de la détestable Sansa Stark (en grande partie responsable de la folie de ces événements, ayant trop appris de cet infect Littlefinger), logiquement absente de ce tragique chef d'oeuvre. Beaucoup, les petits joueurs, auraient voulu assister à l'ascension d'un héros enfermé dans un nom qui n'est pas le sien (qui ne sera jamais Aegon Targaryen, le fils du feu et de la glace), n'attendent qu'un nouveau cul, à leur convenance, pour le trône de fer, incapables d'appréhender cette vérité : aucun cul ne mérite de régner sur les autres culs ; un cul se corrompt à soumettre d'autres culs. Un cul ne peut que guider un autre cul. Et surtout :

Valar morghulis...

A grandes douleurs, à grande injustice, grandes terreurs, grandes apocalypses...

Qui a versé des flots de sang (et de cendres) retient le regard des dieux ; les noires Erinyes finissent par anéantir l'homme dont le bonheur offensait la Justice...

Eschyle, L'Orestie

Morale d'étoile



C'est le regard d'Hanna, c'est le corps d'Hanna : une brise de mélancolie, autant qu'un typhon ; une braise qui s'échappe de son foyer, qui s'envole, valse, et aspire à devenir une étoile dans une galaxie noire. C'est une fusée qui fulmine et décolle dans une aube blanche ou dorée. C'est une étoile en formation, qui danse et qui sème le chaos, menacée par une saloperie de trou noir. Autrement dit, un complexe militaro-industriel et secret, un ogre vorace et cupide voué un jour à s'effondrer. C'est toujours l'erreur de l'ogre : son arrogance qui lui fait croire que les lois de l'Univers ne sont pas pour lui, qu'il restera toujours quelque chose à bouffer quand il aura tout bouffé, ne pas imaginer que sa créature l'engloutira, le consumera à son tour. Car Hanna est aussi une balle traçante, un oeil bleu qui trace son sillon, une comète qui recherche un horizon. C'était un père. Ce sera ses soeurs.

Fleur de lune





Ma cage est grande ouverte et ma prison ... t'attend.

Chante Françoise Hardy, mais pas seulement. Gaby aussi dans Un flic, le plus beau Melville.
Fleur de lune qui en dit long sur le plus beau personnage, le plus poignant du cinéaste de L'armée des ombres. Gabrielle, née d'une brume (comme Melville), encagée dans un corps de garçon, follement éprise de Delon, qui joue bien davantage que le rôle du canari du Samouraï. Pas uniquement indic donc.
Autrement dit, Françoise chante ici Gaby/Melville, des personnages à fleur de lune dissimulés sous un fard de luxe glacé : leur rimelle n'est là que pour mieux couler.

Née dans une brume, 
Là où le vent vient du Nord...
viens te prendre à mon mirage...

Vert glaçant



Melville verglaçant toute ombre à la ronde, fut-ce les plus résistantes.

Vert de gris



Jean-Pierre Melville qui s'y connaît en matins blêmes, verts de gris, qui filme un corps comme une comète transie, sur le point de s'éteindre, et une âme comme une nébuleuse, une brume hivernale.

Bleu iris





Un iris, ses lèvres bleues, comme allégorie, pour cacher et accéder à un secret bien gardé : un labyrinthe d'arabesques, de fleurs et d'oiseaux de paradis, de plantes tortueuses grimpant jusqu'à un ciel de feu, et comme coda une hystérie flamboyante. La vierge Suzy Banner naît d'une peur bleue et d'un feu grégeois.

My darling Clementine





My darling Clementine ne finit pas sur un baiser hollywoodien, spectaculaire, cliché, sur un baiser d'un amour scellé. Wyatt/Henry baise la joue de Clémentine/Cathy et lui promet maladroitement de revenir. Qu'il est beau ce baiser en forme de coeur qui s'envole et s'ancre -plus sûrement qu'un baiser happy end. Qu'il est touchant de voir le coeur de Clémentine s'offrir et espérer d'autres baisers, d'autres envolées. Wyatt et Ford ont le coeur chamallow. Le coeur de Clémentine leur répond en sonnant un Hosannah, comme la cloche du film.
My darling Clementine, c'est l'histoire de ce baiser, de cette offrande, et de cette promesse d'au-revoir.

A la queue leu leu : Les belles et la bête





Une bandaison comme un hommage qui ne déçoit jamais, une sève -et non semence- qui ne tarit pas d'éloge de celle qui la reçoit -partout mais jamais où le bigot la destine- dans un cadre bucolique et ébrieux. La Bête de Walerian Borowczyk, comme allégorie, donne aux belles force, vigueur et vitalité sans se soucier du quand dira le bourgeois et le fin de race, obsédés à l'idée de se perpétuer. A tout prix.